Wednesday, 3 December 2008

Mikael Åkerfeldt - French interview by Virginie (03 Dec 2008)

Radio Metal : « Watershed » a un son très « seventies » et psychédélique. Comment l’expliques-tu?  

Mikael Åkerfeldt (chant/guitare) : Je pense que j’ai été inspiré par ce que j’écoutais en composant. J’ai complètement adopté cet esprit en découvrant THE ZOMBIES. Vous connaissez? Leurs albums sont très psychédéliques. J’ai également beaucoup écouté les BEATLES, notamment des albums comme « Revolver » ou le « White Album ». Je suis tombé sur ces albums par hasard, et je les ai adorés. Je les ai écoutés tous les jours pendant deux mois, et j’ai été très inspiré par l’utilisation d’effets qui transformaient de simples chansons pop en ?uvres extrêmement particulières. J’ai donc tenté d’adapter ça à notre propre style.

Si tu pouvais renaître à une autre période de l’histoire, laquelle choisirais-tu?

 
Je trouve que je suis né dans la bonne décennie – les années 70. Mais en fait, j’aurais aimé vivre dans les années 70, et ce pour des raisons complètement idiotes et très égoïstes. Vois-tu, je collectionne les disques. Si j’avais eu l’âge que j’ai maintenant dans les années 70, si j’avais eu 34 ans à cette époque, j’aurais pu acheter plein de disques pour trois fois rien! J’aurais également pu voir tous mes groupes préférés en concert. Mais je ne regrette pas d’être né dans les années 70. Même si j’en avais la possibilité, je ne changerais rien.

Quelle est pour toi la différence entre cette période et celle où nous vivons?
 
Aujourd’hui, tout est basé sur la technologie. Nos émotions ne sont pas aussi naturelles, particulièrement en ce qui concerne la musique. De nombreux groupes s’aident de la technologie pour pondre quelque chose de correct. Je ne peux pas dire que la musique était infiniment meilleure dans les années 70, mais personnellement, je suis beaucoup plus intéressé par la musique de cette époque. C’est ce que j’écoute le plus. Cette musique me semble plus « vraie » que celle d’aujourd’hui.

Tu as déclaré que les paroles de « Watershed » étaient très personnelles, et que c’était la raison pour laquelle elles n’apparaissaient pas dans le livret. Te sens-tu exposé, mis à nu, lorsque tu chantes ces chansons sur scène?
 
Les paroles sont dans le livret, mais elles sont codées. Je ne peux pas dire que je me sente exposé ; en revanche, je ne peux pas m’empêcher de me demander si les gens qui chantent avec moi comprennent réellement les paroles. En toute honnêteté, je n’ai jamais rencontré qui que ce soit qui comprenne le sujet de mes chansons. Je ne me sens pas mis à nu et je ne voulais pas que les paroles apparaissent dans le livret car je ne souhaite pas qu’on m’interroge là-dessus. Si on me pose des questions sur les paroles, je réponds que je ne peux rien dire…

Vos pochettes d’albums sont toujours superbes et expriment une certaine mélancolie. La pochette de « Watershed » est une invitation à un voyage. Penses-tu que le dessin, une autre forme d’art, puisse exprimer mieux ou d’une façon différente ce que tu essaies de dire dans ta musique?
 
Je n’en sais rien. Je cherche à ce que nos pochettes représentent la musique de l’album, que les deux aillent ensemble. Les pochettes représentent la façon dont je visualise la musique. Je ne suis pas un artiste moi-même, mais j’ai un avis, comme tout le monde. Ces pochettes sont idéales pour OPETH. Je me suis toujours beaucoup investi dans la création des livrets. Nous travaillons avec Travis Smith (NDLR : célèbre illustrateur ayant collaboré avec Riverside, Devin Townsend etc.) depuis près de dix ans. Nous avons développé une relation très forte avec cet homme, nous l’adorons. Personne ne peut vous forcer à aimer une personne ; soit vous l’appréciez, soit vous ne l’appréciez pas. C’est la même chose avec l’art : tout est une question de goût. Vous pouvez ressentir quelque chose de particulier, certains éléments peuvent vous toucher plus particulièrement, même si vous êtes complètement déconnecté du style de vie de l’artiste. Tout dépend de la façon dont le public fonctionne. Mais j’en suis ravi. Je pense que notre musique est plus profonde que celles d’autres groupes de metal.

Tu as avoué dans une interview que, malgré le succès grandissant de OPETH, tu avais été « sans-abri » pendant plusieurs années. Comment es-tu parvenu à croire en toi malgré cela?
 
Je n’étais pas sans-abri dans le sens où je dormais dans la rue. J’avais des amis pour m’héberger, mais effectivement, je n’avais pas de maison à moi. Quand j’y repense, ces moment-là ont compté parmi les meilleurs de ma vie! J’ai passé six ou sept mois sur le canapé d’un ami. Un jour, il a emprunté 10€ à sa mère, et nous sommes allés acheter des spaghettis et de la viande pour le déjeuner. Pour moi, c’était une époque formidable. La vie était dure, bien sûr, mais je ne voyais pas les choses sous cet angle. J’étais heureux, tout simplement. Je ne me suis jamais demandé si ces épreuves allaient me détruire au niveau mental. En tant que musicien, on est préparé à ce genre de situation. Quand j’ai décidé de me lancer dans la musique, je ne m’attendais pas à ce que tout arrive en claquant des doigts. Nous avons mis des années avant d’arriver à quelque chose. Nous ne donnions pas de concerts, personne ne s’intéressait à nous… Tout ce que nous faisions, c’était sortir des albums et attendre que le téléphone sonne – ce qu’il ne faisait jamais. Nous avons mis six ou sept ans avant de réellement commencer à travailler. J’ai vécu chez ma mère pendant un temps fou, jusqu’à mes 23 ans. Et puis les choses se sont améliorées. Aujourd’hui, c’est un métier, et un métier que nous adorons.

La carrière d’OPETH et ton propre statut sont-ils donc une victoire, pour toi ? Tu avais une revanche à prendre?
 
Pas vraiment. Bien sûr, au début, personne ne croyait en moi ou au potentiel du groupe. Ma propre mère m’a même dit : « C’est très bien que tu aies un hobby, mais ça ne doit pas être une priorité. Il faut que tu gagnes ta vie. Et si tu faisais des études? » Je n’en avais aucune envie. La musique, c’était tout ce que je voulais faire. On peut penser que vouloir faire carrière dans la musique est un choix stupide, surtout lorsqu’on veut créer ses propres chansons, comme nous. Pour ma part, je pense que ce qui est stupide, c’est de passer sa vie à faire quelque chose qu’on déteste. Je voulais vraiment faire ce que j’aimais, et c’était le cas de tous les membres du groupe. Personne ne voulait faire carrière dans quelque chose qui ne l’intéresse pas. Une fois qu’on a compris ça, c’est limpide.

Après seize ans de bons et loyaux services, Peter a quitté le groupe. Nous n’allons pas évoquer ici les raisons de son départ ou ta possible déception, mais j’aimerais en revanche savoir si tu te remets en question lorsque ce genre de situation se produit…
 
C’était son choix. Si les gens veulent partir, la décision leur appartient, et ça ne change rien au fait que je continuerai de faire de la musique. Aucun des anciens musiciens d’OPETH n’a poursuivi de carrière dans la musique. Tous ceux qui sont partis ont changé de boulot, plus aucun ne joue. Ils n’étaient peut-être pas sûrs d’avoir choisi la bonne voie. J’ai bien sûr été contrarié lorsque Peter est parti. Après tout, nous étions amis depuis très longtemps, et j’étais inquiet de savoir si l’alchimie allait être aussi bonne avec celui qui prendrait sa place. Mais apparemment, Peter n’est pas un musicien. Moi oui – et c’est la raison pour laquelle nous ne pouvions pas continuer à travailler ensemble. Notre amitié n’entrait pas en jeu. Il a laissé tomber la musique, mais je n’en suis pas fâché, au contraire. Le groupe ne s’en porte que mieux.

Tu blagues beaucoup sur scène. Martin nous a confié que tu étais également comme ça dans la vie, mais tu sembles pourtant avoir énormément de contrôle sur OPETH. Penses-tu que ce soit cet équilibre qui fait ta force?
 
Je n’en sais rien… Je pense qu’il est bon de toujours avoir du recul. OPETH est souvent perçu comme un groupe très rigide, composé de musiciens qui se prennent très au sérieux. Pour être franc, quand il s’agit de musique, je suis évidemment très sérieux et je ne fais pas les choses à moitié. Mais d’un autre côté, lorsque nous sommes sur scène, c’est pour faire un boulot que nous adorons, et on ne peut pas faire autrement que s’éclater. J’en avais assez de ne pas prendre mon pied à 200 % sur scène. Je voulais donner une certaine image de moi, je faisais les choses de la façon dont je pensais qu’elles devaient être faites… Je ne pourrais jamais me transformer en quelqu’un d’autre, devenir un homme de Néanderthal et faire les cornes du diable à tout va. En revanche, je me suis beaucoup inspiré de DEVIN TOWNSEND, qui passe son temps à se moquer du public, de lui-même et du metal en général. C’est toujours très drôle. Un jour, j’ai tout simplement dit une connerie sur scène, et le public a eu l’air d’apprécier. Aujourd’hui, les membres du staff me rappellent toujours à l’ordre, en me disant de ne pas parler trop longtemps parce qu’il y a un couvre-feu, ou ce genre de trucs. Mais ça fait partie du spectacle, et un soir, si j’en ai envie, je veux avoir la possibilité de ne rien dire du tout. Parfois, au beau milieu du concert, j’entends quelqu’un dire : « Mike, raconte-nous une blague! » Balancer des blagues n’était pas exactement le but que je cherchais à atteindre, mais si j’ai envie de dire une connerie, je la dis.

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